Cette douleur qu’il me faut taire me bouffe. Si je la silence c’est bien sûr en
partie à cause du poids du monopole paternel, de son OPA sur la souffrance,
mais pas seulement. J’ai essayé, à grand renfort de SOS médicaux et de mots
simples d’appeler à l’aide, auprès de médecins, d’amis, de professeurs même.
Mais la douleur ne se communique pas, et on ne saurait la comprendre
autrement que par le prisme des mythologies que nous portons. Du quand on
veut on peut, pensée magique tellement banale qui vient culpabiliser le patient
au paternalisme du médecin qui, dans une relation à sens unique vient expliquer
la douleur à celui qui la ressent. Mythologie encore des petits shamans en
plastiques qui se cachent à chaque coin de rue et qui viennent expliquer à grands
coups de reiki, d’énergie et de plantes sacrées les chemins de la guérison. Et je
ne parle même pas de ce dolorisme qui voudrait la maladie rédemptrice, transfigurant le patient en héros d’une maladie-aventure. Ce qui ne me tue pas
me rend plus fort ?
Fermes là ! Peut-être que je n’ai pas envie d’être plus fort, juste envie d’être.
Alors dans ce silence entrecoupé de commentaires auxquels je réponds avec un
sourire factice, ces histoires que je pose sur du papier prennent de plus en plus
de place et je m’y perds. Bercé par les opiacés je commence à douter et du
monde et de ceux qui l’habitent. Je doute de tout et surtout de moi-même. J’en
viens même à me demander si quelque chose existe.
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#interface #whatdoesntkillyou #cequinemetuepas #NotYourTeddy #NotNow