#EspaceTransmasc :heart_transgender:
Un jour je parlerai plus en détail de l'anti-transmasculinité comme injustice épistémique c'est-à-dire refuser à un sujet le statut de "sachant" et de producteur de savoir. C'est le cas, par exemple, dans le domaine médicale avec les professionnels de santé qui se définissent comme seuls "sachants" et trouvent l'avis de leurs patients au mieux accessoire, au pire, nuisible avec pour conséquence (entre autres) le syndrome raci- enfin je veux dire "méditerranéen". La philosophe Miranda Fricker distingue deux formes deux principales formes de cette injustice épistémique. D’une part, l’injustice testimoniale qui « consiste à nier la crédibilité d’un sujet en raison de certains attributs sociaux qui, en principe, ne devraient pas affecter son autorité cognitive, comme le genre ou l’identité ethnique » (Roberto Frega). Fricker prend pour exemple, les personnes noires considérées comme moins crédibles auprès de la police. Mon exemple transmisandre, ce serait toutes les personnes qui ont apprécié la vidéo de Cass Andre sur le TERFisme mais qui "déplorent" le fait que la vidéo ait été faite par un "homme (je cite "même trans"). Ou encore le fait de reléguer les hommes trans au rang "d'allié-e" qui regardent de loin les supposées seules victimes et expertes du sexisme: les femmes. Je ne vais pas rentrer dans les détails de pourquoi les mecs trans sont pas des ptn "d'allié-es" de féminisme mais directement concerné-es par le sexisme mais notons que, certes, les mecs cis peuvent dire de la merde sur le sujet et cette merde peut être due au fait de ne pas être concerné par le sujet mais le fait d'être un homme n'est pas une "tard" en soi. Et à l'inverse, les femmes ne sont pas expertes du sexisme juste parce que. Y a qch qui s'appelle l'aliénation et y a bien des femmes qui pensent que le patriarcat n'existe plus ou que dans les pays (musulmans) du Sud
D’autre part, l'autre versant de l'injustice épistémique est l’injustice herméneutique qui désigne l’impossibilité pour un groupe social de faire sens de son expérience sociale à cause d’un manque collectif de ressources interprétatives. Dans ce cas, Fricker utilise l’exemple des personnes victimes de harcèlement sexuel qui restent des années sans pouvoir nommer leurs maux, notamment à cause de la culture du viol. Dans le cadre des personnes transmasc, c'est le fait de systématiquement désigner nos oppressions propres comme de la misogynie mal dirigée ou nous évoquer que quand on parle de transphobie standard. Même le mot pour désigner nos oppressions n'est jamais bien. Transmisandirie, ça va pas, anti-transmasculinité, non plus. Et quand on a dépassé tous ces obstacles y aura toujours une personne (même transmasc) pour nous traiter de masculiniste car le simple fait de défendre nos intérêts est censé être transphobe par essence
#espacetransmasc #trans #queer
Sans même parler de l’accès aux soins gynécologiques et obstétriques, des violences sexistes et sexuelles etc. Si simplement on définit le féminisme comme tout mouvement voulant abolir le sexisme (Julia Serano) on comprend que les hommes #trans sont concernés et pas des « allié•es » qui regardent de loin les femmes avoir des problèmes « de meufs ».
Votre féminisme cis-centré on commence à en avoir ras la patate !
@Heyla Si des gens peuvent arriver à la conclusion que les #transmasc sont pas oppressés juste quelques jours après l’amendement transphobe d’Aurore Bergé ou encore seulement quatre mois après les attaques envers le planning familial à cause d’un poster qui parle des hommes enceints, c’est parce que les personnes s’imaginent que les hommes trans (et personnes transmasc) sont des CONCEPTS plutôt que des personnes de chair et de sang.
Je m’explique.
Les personnes transmasc sont à cause de différents facteurs (sont l’invisibilité dans les médias) considérés comme des concepts qui existent pour confirmer et réfuter l’idéologie du genre du jour. Tel Beaubatie qui dans écrit “Transfuges de sexe” que pour prouver que les dynamiques de pouvoirs entre genres transgenres est la même qu’entre genre cisgenres, les personnes nous utilisent soit comme des fables féministes (ex: des femmes travesties plus braves que les braves comme “Gabriel” se George Sand) soit comme la preuve du pouvoir corrupteur de la masculinité et la continuation du #MenAreTrash
Les théories du genre faites pour décrire nos vies ne font donc aucun cas de nos réelles expériences vécus ou du moins on les utilise ces dernières pour prouver ce qu’on “savait” déjà dans le cas de Beaubatie. Au lieu de tirer des motifs de nos expériences de vie et de théoriser ensuite dessus (=raisonnement déductif) , les personnes utilisent un raisonnement inductif (de la loi générale au particulier). Ils projettent sur nous des théories sur le genre créées par et pour des personnes cis et nous font rentrer dans ces cases bon gré mal gré.
Donc comme on est « homme » on n’est pas oppressé. CQFD. On peut aligner tous les faits d’actualités, tous les témoignages, toutes les études qui affirment le contraire ça ne sert de rien. Notre réel expérience de vie n’a jamais compté dans la balance
#EspaceTransmasc :heart_transgender:
#transmasc #menaretrash #espacetransmasc
Bon j'ai essayé de condenser mon "essai" en un seul toot mais j'ai peur qu'il soit quand même trop gros, trop indigeste, trop imposant. Surtout si vous le lisez depuis votre portable. En fonction de l'application utilisée l'expérience de lecture des threads peut être insupportable sur Mastodon. Bref, si vous avez un problème, n'hésitez pas à m'en faire part j'essaierai de m'améliorer.
Je suis content de commencer mon #EspaceTransmasc en parlant d'un auteur trans au lieu de rester dans la réactance tout le temps. Marre de "prouver" à des féministes cis que les hommes trans ne méritent pas la potence! J'aime mes adelphes transmasc, je les aime tellement je veux leur faire des bisoux (si consenti) :heart_transgender:
#EspaceTransmasc La désidentification de Paul B. Preciado ou qu'est ce que ça fait d'être un réel "critique du genre"
(c'est sur ce hashtag que je rassemble mes (longs) threads qui ont souvent pour thème la transmasculinité en général, donc n'hésitez pas à cliquer dessus pour voir les autres, si celui-ci vous intéresse ❤️ )
Tout d'abord ce n'est pas parce qu'on part du principe qu'un phénomène "n'existe pas" qu'on veut forcément s'en débarrasser; c'est la position épistémologique "éliminativiste". En effet, dans la position anti-réaliste, le phénomène en question n'existe pas mais reste une fiction utile. Les théories scientifiques sont l'exemple même de fiction utiles - dans les sciences positives comme sociales. Le but étant de simplifier le réel pour mieux le comprendre et l'écart entre le modèle et la réalité est généralement satisfaisant (et quand il ne l'est pas, on a donc besoin de nouvelles théories scientifiques).
Pour revenir au genre, même si on affirme que celui-ci est une fiction politique; il reste encore deux grandes écoles, les anti-réalistes et les éliminativistes dont Paul B. Preciado fait partie.
Là où Julia Serano dans "Excluded", par exemple, envisage le fait d'utiliser les identités/étiquettes (ex: femme, trans, gay etc) de manière non-essentialiste, à but purement descriptif; Paul B. Preciado se base sur "L'Histoire de la Sexualité" de Foucault et le "Manifeste Cyborg" de Dona Haraway (entre autres) pour soutenir la thèse qu'il n'y a rien de tel qu'une identité purement descriptive. Toute la taxonomie lgbtiq moderne, trouve son origine dans le "régime de différence sexuel" (=c'est à dire société dya/cis-hétéronormative) et on ne peut pas neutraliser leur but normatif par le pouvoir de la "récupération". Pire, le seul but de ses étiquettes serait de réduire nos champs des possibles et rendre nos identités complexes plus "compréhensibles", "faciles à digérer" dans le cadre du régime de la différence sexuel.
Par exemple, si le mot "lesbienne" était purement descriptif, les controverses autour du mot "bi-lesbienne" n'existeraient pas. Personne n'a besoin de protéger la supposée pureté d'un terme censé être purement descriptif. Cet aspect normatif du mot lesbienne se manifeste aussi par les offensives anti trans des années 70/80, qui ont eu pour but de cis-centrer et fem-centrer le terme "lesbienne" en purgeant la communauté de ses membres trans. Ses membres transfem, d'une part (cf. Michigan Womyn's Music Festival) et ses membres transmasc avec une offensive anti-butch (source: Jack Halberstam "Female Masculinity" (1998). Allusion aussi dans "Stone Butch Blues" de Leslie Feinberg).
C'est pour cela que Paul B. Preciado, en appelle à la "désidentification"; se mettre à distance des termes censés nous "décrire". Ce n'est pas la détransition idéologiquement motivée, le "retour à la normale" des transphobes puisque Preciado invite, en priorité, les personnes cis-het à se désidentifier car ce sont les personnes les plus convaincues de la naturalité de leur genre et de leur sexe (cf. "Je suis un monstre qui vous parle" (2020)). Une conséquence concrète de la désidentification nous mène à arrêter de vouloir prouver aux cis qu'on est des "vrais hommes" et des "vraies femmes" dans le cadre de la libération trans car on s'en fiche un peu quand même. Car même les "faux hommes (les hommelettes?)", les fols, les "travestis", les "lesbiennes autistes perdues" et les "hommes qui portent du vernis" ne méritent pas un dixième de la violence qu'iels subissent. La transphobie est inacceptable en soi, pas que parce qu'elle atteint des "honnêtes gens".
Là c'est le moment où vous m'arrêtez et vous me demandez circonspects: "Eh! Ton Preciado c'est pas un arnaqueur un peu quand même? Pourquoi il en appelle à la désidentification alors qu'il se définit comme homme trans et utilise les pronoms masculins?" Pour une raison simple, il a pas trop le choix. Tant qu'il vit sous le régime de différence sexuelle il doit fournir au monde une identité intellectuellement lisible. Au cours de ses interviews il parle de la façon dont, même sous T, il devait se féminiser pour passer les frontières sans encombres tant qu'il y avait un F sur son passeport et qu'une fois qu'il passait pour homme, il devenait nécessaire d'avoir un M sur celui-ci. Le changement d'état civil étant le plus important "examen de genre" de sa vie, ce n'était pas le moment de faire du militantisme queer, avoue-t-il. Au contraire, il a endossé le rôle du transsexuel pathétique qui souffre, souffre tellement (à cause de la dysphorie de genre, pas la transphobie).
C'est avec résignation que Preciado utilise les étiquettes d'homme, de transsexuel et autres mais voudrait à terme s'en débarrasser. On aimera, transitionnera, désirera sans elles, sans cette obsession de nommer quoi que ce soit. La libération ne se trouve pas dans les identités, selon lui, elle adviendra quand on aura plus besoin d'elles...