#MétiersMéconnus #MicroFiction
Roland* exerce un métier peu courant: il est couvreur-dézingueur.
Patron d'une petite entreprise de couverture, il exerce son savoir-faire partout en France, notamment pour la rénovation des toits en ardoise de monuments historiques ou classés, sa spécialité.
Mais ce qui le distingue des autres artisans dans son domaine professionnel, c'est son parcours professionnel. En effet, jeune engagé au 1er RPIMA, c'est au service de la France qu'il fait ses premières armes et c'est tant que tireur d'élite qu'il fait son devoir autant que son tour du monde.
— C'est au moment de ma reconversion, raconte-t-il, que j'ai décidé de m'orienter vers la couverture. C'était la continuité logique: dans l'unité, on me demandait de me poster de manière à pouvoir couvrir les camarades qui montaient à l'assaut. C'était souvent sur des montagnes escarpées ou des bâtiments en plus ou moins bon état. Ça m'a appris à escalader toutes sortes de bâtiments avec efficacité et discrétion. Et j'aime bien le métier de couvreur, on travaille dehors, loin du tumulte de la rue.
Car Roland est un taiseux. C'est à peine si il échange quelques mots avec Hervé, son associé.
— C'est mon ancien spotteur. Ça fait 20 ans qu'on bosse ensemble. On est comme un vieux couple, dit-il en riant.
Niveau équipement, Roland dispose de l'outillage habituel d'un couvreur : cisailles, marteaux, coupe-ardoise, meuleuses, etc.
Mais aussi d'un fusil de précision PGM Hécate II.
— C'est un vieux compagnon, ça fait près de vingt ans que je l'ai. Ce n'est pas une arme de guerre mais un prototype de celui en service dans les armées.
Roland ne nous en dira pas plus.
D'autant que selon ses dires, il ne s'en sert pratiquement jamais, seulement pour s'entraîner. Car sa spécialité, c'est l'accident du travail: un marteau qui tombe au mauvais moment, une élingue mal accrochée à une palette, etc.
Roland est expert en maquillage.
Sa clientèle ? Des architectes véreux qui veulent se débarrasser d'un contre-maître trop honnête, des femmes lassées de leurs maris volages.
— La seule différence avec mon métier d'avant, c'est que maintenant je dois éviter les infiltrations à tout prix, conclut-il en éclatant de rire.
*NDLR: son prénom a été changé pour conserver son anonymat.
#metiersmeconnus #microfiction
#MétiersMéconnus #MicroFiction
Printemps 2021, un petit bureau mal éclairé
et mal chauffé. La plaque sur la porte indique que l'occupant est
géo-magicien. Un homme est assis face à son ordinateur et
regarde des images de teckels sur internet. On toque, c'est Alexandra,
grande brune aux cheveux aile de corbeaux.
— Bonjour Victor, tu as un peu de temps ?
— Oui, vas-y, entre Alexandra.
— C'est à propos du voyage au Japon que Mike et moi souhaitons faire après le COVID.
Est-ce que tu voudrais bien tirer les cartes pour nous ?
— Oui, bien sûr. Ouvre le placard gris derrière toi et prends quatre cartes au hasard.
Alexandra s'approcha et ouvrit la grande armoire métallique avec un
crissement sinistre. L'armoire contenait tout un capharnaüm de cartes
Michelin et IGN empilées dans le plus grand désordre.
Conformément aux consignes, Alexandra en prit quatre un peu partout dans le tas et les déposa
sur le bureau devant Victor et s'assit sur une chaise de bureau fatiguée face à lui.
Victor observa les cartes tirées pendant de longs instants.
Alexandra n'osait déranger la concentration
du cartomancien et se tortillait sur son siège. Enfin, Victor s'adossa
à son siège qui couina sous la contrainte, poussa un long soupir et pris la parole.
— Ton premier tirage, c'est bien celle-ci ? dit-il en désignant la carte la plus
à gauche.
— Oui.
— La Série Bleue 0720 ET Lorient / Île de Groix.
Les cartes ont vu ton désir d'Orient.
— C'est bon signe ?
— Normalement oui, mais pas avec tes autres tirages.
— Ils disent quoi les autres tirages ?
— La Série Bleue 4719 SB Fausse Montagne d’Argent et IGN Série Bleue 2712E Gueux.
C'est une très mauvaise combinaison. Généralement un
revers de fortune ou une arnaque. Vous ne pourrez pas financer ce voyage.
— T'es sûr ?
— Oui, les cartes ne mentent jamais !
— Et la dernière, le guide du routard de la Réunion ?
— Ça c'est autre chose. Quelque chose de plus immédiat.
— C'est-à-dire ?
— C'est qu'il est 10h40 et que la réunion avec la cheffe commençait à 10h30 !
#metiersmeconnus #microfiction
@pololasi je pense que tu peux ajouter un croisillon #MétiersMéconnus si ça te dit.
Macaréniste : danceur saisonnier spécialisé dans la Macaréna en club de vacances.
Émeline est crucicultrice. Son exploitation est dédiée à la culture des crucifères : colza et moutarde principalement mais aussi plusieurs variétés de choux.
"Mais pas de choux de Bruxelles, déjà parce que c'est pas bon et c'est pour éviter les belgicismes dans mes mots croisés" nous explique-t-elle.
En effet, Émeline est également cruciverbicultrice et réserve une partie de son exploitation pour la culture de mots croisés en français.
"La plupart sont des variétés faciles à destination des EPHAD, que je cultive toute l'année et que je revends à des magazines spécialisés. J'ai quelques variétés d'été, qui résistent mieux au soleil et au gras des crèmes solaires." Quand Émeline nous parle de sa passion pour la culture de mots croisés, le regard de la jeune femme s'illumine : "Je dois faire très attention aux contaminations croisées mais ma fierté est là" dit-elle en nous montrant sa serre.
C'est dans cette serre qu'Emeline cultive les mots croisés pour les journaux anglophones.
"J'ai des variétés américaines et britanniques. Un ami australien va m'envoyer des graines de là-bas cette année. La culture de mots croisés en langue étrangère est plus difficile et demande un haut niveau de savoir-faire. Là j'ai des plants pour le New York Times et le Boston Globe. Ceux sont des variétés très résistantes au froid. Mais le climat d'ici ne me permet pas de cultiver des variétés californienne comme le LA Times par exemple."
Émeline nous explique qu'à la l'instar des producteurs d'orchidées, il faut des années pour arriver pour atteindre le niveau d'expertise suffisant pour faire pousser des espèces exotiques.
"Mais quand votre planche de mots croisés est sélectionnée pour apparaître dans le New York Times, tout ce travail est récompensé."
#microfiction #metiersmeconnus
18 - Eurovision
François est cultivateur spécialisé. Aviaculteur pour être précis. Mais pas aviculteur, comme il aime à le rappeler. François n'élève pas de volailles mais cultive l'ennui. De l'ennui, bio, haut de gamme. Son exploitation est en biodynamie. Ici pas de cornes de vaches emplies de bouse mais François suit les saisons et les phases de la lune. La demande est plus forte en hiver quand les gens sortent moins. Que le temps est maussade et les températures basses.
Son activité a beaucoup baissé avec l'arrivée des réseaux sociaux et des smartphones.
Mais il est encore sollicité pour certains évènements, souvent des commandes de conjoints coincés devant Miss France ou l'Eurovision.
François s'est diversifié, il cultive également
les soucis.
Le réchauffement climatique lui a permis de renouer avec une clientèle plus jeune. Plus éduqué et plus aisé aussi. Les riches s'ennuient moins mais tout le monde a des soucis.
Le conflit en Ukraine a cependant mis en tension son activité. Mais cela lui a permis d'embaucher et cela va beaucoup mieux depuis.
La calenduliculture lui permet d'avoir des revenus beaucoup plus réguliers. Il a même développé une offre spéciale fin de mois à petit prix pour les portes monnaie modestes.
#writever #microfiction #metiersmeconnus