#Octobrèves2022 #Octobrèves 31 !
J'étais cette semaine-là dans une petite ville de campagne, afin de me sortir les angoisses de la ville de la tête. Je dois bien avouer qu'il y a quelque chose d'apaisant dans le calme des champs et des forêts vides. J'avais passé mes premiers jours sur place à battre la campagne et j'en avais presque oublié d'où je venais et comment je m'appelais. Je n'étais pas encore un autre homme, mais j'étais déjà moins moi-même, et c'était toujours ça de pris.
Un jour que j'avais des courses à faire dans le centre, mon regard fut attiré par un bâtiment étrange : une ferme. Je ne pus retenir ma curiosité (dont on m'a souvent dit qu'elle me perdrait, mais je n'ai jamais compris quel est le mal de se perdre). Les portes en étaient grandes ouvertes et je me permis d'entrer.
Je débouchai sur un couloir bardé de portes. Derrière chacune, il y avait des stalles, dans lesquelles des vingtaines de bêtes étaient entassées, serrées les unes contre les autres. Quelque cultivateur s'occupait les tenait tranquilles et les nourissait d'un gruau peu ragoûtant. Il régnait un tumulte incroyable dans les lieux, chaque bruit se répercutant en un écho infernal. Les locaux étaient vétustes, sales, humides.
Au détour d'un couloir, je rencontrai un de ces animaux. Il n'avait pas l'air surpris. Derrière la tristesse et la peine, je distinguai dans ses yeux la joie fugace d'avoir échappé pendant un instant à son destin. Nous nous regardâmes, puis repartîmes chacun de notre côté, peu envieux de tomber sur un des maîtres d'ici.
Après avoir observé le même spectacle répété partout, je sortis de cette ferme, le cœur lourd des peines que j'avais vues. Quel avenir y avait-il pour ces âmes, si ce n'est l'abattoir ? Je me retournai une dernière fois sur l'immeuble et remarquai le fronton qui indiquait "école".
Mortifié de mon erreur, je retournai me perdre loin de la civilisation, sans aucun regret cette fois-ci.
#Octobrèves2022 #Octobrèves 30 !
Dans le salon, la machine ronronnait doucement. Par-dessus le crépitement du feu, il y avait le bruit du petit moteur, accompagné du cliquetis des engrenages. Andréa les entendaient tous tourner à des vitesses différentes. Il releva la tête des notes qu'ils relisaient et embrassa la scène du regard, le méchat reposant ses rouages près de l'âtre. Il sourit, étira ses membres et se leva pour fermer les rideaux. Il regarda un instant le mur de briques devant lui, se demandant à quoi cela avait bien pu ressembler, ces « fenêtres ». Elles servaient autrefois à laisser entrer la lumière du « soleil », mais ces mots n'avaient plus guère de sens aujourd'hui. Il fit glisser les rideaux bleu-nuits, pour le simple plaisir de changer l'atmosphère des lieux.
Le son réveilla le méchat qui s'étira en faisant craquer ses articulations. Il vint se lover contre Andréa qui comprit le message et lui ouvrit une boite de pâténergie sur laquelle se rua le robot. Cela rappela à son propriétaire la raison pour laquelle il avait interrompu sa lecture et se prépara un petit en-cas pour calmer sa faim. Quand il revint à son bureau, la chaise était bien évidemment occupée par le méchat qu'il chassa sans remords.
Il reprit sa lecture, qui portait d'ailleurs sur ces humains qui avaient vécu il y a si longtemps, au temps des « fenêtres » et du « soleil », qui avait rendu le monde inhabitable pour eux. Andréa réajusta ces organes de perception à la lumière vacillante du feu. Le méchat somnolait de nouveau près de la cheminée et seul le bruit des pages qui tournent troublaient le ronronnement mécanique.