Los cuadernos de Vieco
Texto del maestro Pascal Quignard
https://loscuadernosdevieco.blog/2023/04/21/texto-del-maestro-pascal-quignard
A second point makes art an embarrassment: not only does it augment the unpredictable but it hates death. Artists are murderers of death. Hence it is normal that they should be punished by those who make it their business either to administer death or to add to it.” [2/2]
Pascal Quignard, The Roving Shadows, 2002. [Tr. Chris Turner].
“It is not certain that works of art have ever been awaited. When they happen to be greeted with favour, we discover it was not to them that the hospitality was extended. […]
To tell the truth, however tiny it may be, a work of art adds to the totality of things something that was scarcely present before. Things that should not normally have occurred are a source of embarrassment. Even the return of a tradition may be intrusive and, as it were, disruptive. [1/2]
Un second point rend l’art embarrassant : non seulement il accroît l’imprévisible mais il hait la mort. Les artistes sont des meurtriers de la mort. En ce sens il est normal qu’ils soient châtiés par ceux qui font profession soit de l’administrer, soit de l’accroître. » [2/2]
Pascal Quignard, Les Ombres errantes, 2002.
« Il n’est pas sûr que les œuvres d’art aient jamais été attendues. Quand il leur arrive d’être accueillies avec faveur on découvre que ce ne sont pas à elles que l’hospitalité a été accordée. [...]
À vrai dire, pour minuscule qu’elle soit, une œuvre d’art ajoute à ce qui est quelque chose qui ne s’y trouvait guère. Ce qui n’aurait pas dû normalement avoir lieu embarrasse. Même le retour d’une tradition peut être intruse et pour ainsi dire perturbatrice. [1/2]
“You have to be a Nazi to think that art is a decorative lie. You have to be a Communist to see art as recreation. You have to be a bourgeois liberal to think it amuses. Only in totalitarian regimes is art conceived as an aestheticization of subjection, a creation of legends out of the past, a constant faking-up of the coming and passing hour.”
Pascal Quignard, The Roving Shadows, 2002. [Tr. Chris Turner]
« Il faut être nazi pour penser que l’art est un mensonge qui décore. Il faut être communiste pour estimer que l’art divertit. Il faut être bourgeois libéral pour penser qu’il égaie. Il n’y a que dans les régimes totalitaires que l’art est conçu comme une esthétisation de l’assujettissement, une mise en légende du passé, un truquage à tout instant de l’heure qui vient et passe. »
Pascal Quignard, Les Ombres errantes, 2002.
« Il [Tibère] aimait beaucoup le vin. […] Il disait que le coït et l’ivresse étaient les seuls moyens qui eussent été donnés aux hommes pour tomber d’un coup dans la mort du sommeil. »
Pascal Quignard, Le sexe et l'effroi, 1994.
« Lorsqu’un homme prend à trois reprises dans sa vie la décision de tout quitter, c’est que les impulsions qui le poussent intérieurement à répéter ces départs ou à réorganiser son désert sourdent du plus profond de lui. »
Pascal Quignard, Le sexe et l'effroi, 1994.
« Cet océan est dénué de rivages.
Tout est immergé.
Poissons qui montent encore à la surface. Une goulée pour ne pas mourir.
Goulée : lecture. »
[“That ocean knows no shores.
Everything is immersed in it.
Fish that still rise to the surface. A gulp to stave off death.
That gulp: reading.”]
Pascal Quignard, Les Ombres errantes [The Roving Shadows], 2002. [Tr. Chris Turner]
« Cet océan est dénué de rivages.
Tout est immergé. Poissons qui montent encore à la surface. Une goulée pour ne pas mourir.
Goulée : lecture. »
[“That ocean knows no shores.
Everything is immersed in it.
Fish that still rise to the surface. A gulp to stave off death.
That gulp: reading.”]
Pascal Quignard, Les Ombres errantes [The Roving Shadows], 2002. [Tr. Chris Turner]
« Qu’il ferme les yeux et qu’il rêve dans la nuit, qu’il les ouvre et qu’il observe attentivement les choses réelles dans la clarté qu’épanche le soleil, que son regard se déroute et s’égare, qu’il porte les yeux sur le livre qu’il tient entre ses mains, [1/2]
“Demagogic, egalitarian, fraternal—these words indicate the same attitude: murderers watching each other out of the corner of their eyes. They share in the same aversion to all forms of superiority. They huddle against one another, clinging to their anxiety as though it were a sex organ about to be taken from them, begging for an additional form of protection, a further taboo, shackle or medical drug. [1/2]
« Démagogique, égalitaire, fraternelle, ces mots désignent la même attitude : des meurtriers se surveillent du coin de l’œil. Ils participent à la même aversion pour toutes les supériorités. Ils sont tous blottis les uns contre les autres, serrant les mains sur leur anxiété comme si elle était un sexe qui était sur le point de leur être soustrait, quémandant une protection, un interdit, une chaîne, un médicament supplémentaires. [1/2]